Talmont le 22 septembre 2015 Pascal BRISSON
« La curiosité est un vilain défaut »
Une corde tendue à l’entrée d’une cour de ferme à proximité de l’épicentre de la fête dite « de la Clopinière » était agrémentée de deux petits panneaux, l’un stipulant que « toute la Clopinière n’était pas en fête » et l’autre que « la curiosité était un vilain défaut ».
Bigre ! L’ambiance festive n’était donc pas au beau fixe, et bien entendu, il ne faisait pas bon traîner ses galoches hors des limites du périmètre festif au risque de prendre un coup de galoche, au derrière justement, l’avertissement était sans ambiguïté !!! Curieux, justement, me disais-je, comme très souvent et très involontairement, cet adjectif de « curieux » défini dans le Larousse comme, « curieux : animé du désir de comprendre », se transforme en défaut quand il s’agit de créer du relief dans la platitude de pensée qui domine souvent ces temps-ci. Suivant Spinoza, c’est parce que sa vache s’enfuit du pré que le paysan découvre de nouveaux horizons, sinon, il serait resté chez lui. Serait-ce la curiosité qui a motivé la vache d’aller voir ailleurs que dans son pré si l’herbe est plus verte ailleurs ? Mais avant de passer outre la clôture, la vache n’avait-elle pas développé sa curiosité et déjà pris quelques coups de galoche au derrière pour cette tendance parfois quelque peu dérangeante, reconnaissons-le ? Il est certain en tout cas, que sans curiosité, il y a grand risque de finir par vivre avec des œillères. Et ce n’est pas ce que je souhaite…car cet « aimable » avertissement avait, à mon humble avis, une double fonction : celle de protéger légitimement un espace qui se voulait privé et ainsi se protéger des regards, et parallèlement celui de mettre en relief la semence d’une culture de responsabilité à l’œuvre pas bien loin. L’absence de curiosité que l’on nomme parfois aussi la bêtise venait en exact contre-point à la promotion d’une sensibilité collective en pleine effervescence. Cette petite pancarte faisait en quelque sorte office de mise en relief, un peu comme un peintre ajoute une touche d’ombre à son tableau pour valoriser un éclat de lumière…traduit sur le chemin un peu plus loin, ici par un panneau collectif coché avec le travail à faire et les tâches à assurer, là par une délégation de principe pour mettre de l’huile dans les rouages quand ça risque de gripper, un peu plus loin par une floraison de panneaux explicatifs, soit du rôle des pierres en saillies, soit de l’histoire de telle ou telle plante…Que du bon, je retrouvais ma jeunesse communautaire quand nous défendions des nuits entières des concepts un peu enterrés aujourd’hui comme « le droit à la paresse de Mr Lafargue » ou « à bas le travail, Gilda, je t’aime de je ne sais plus qui » ! Merci donc à toute l’équipe des organisatrices et organisateurs, je me suis régalé pas seulement de mogettes mais aussi d’un air de jouvence en restant d’ailleurs bien dans les clous, puisqu’en aucun cas je ne me serais permis d’aller visionner avec insistance ce qui ne me regarde pas, le droit de gens qui avaient envie d’être au calme. Seulement, la prochaine fois, la très grande majorité des gens présents étant visiblement attentifs tant aux droits de chacun qu’à ceux du collectif, serait-il plus indiqué de formuler cette demande de façon poins culpabilisante ? L’avenir le dira !
En tout cas, j’ai surtout vécu cette « la Clopinière en fête » comme un pied de nez réussi à cette société qui privilégie la culture du contrôle à celle de la responsabilité ; sachant par ailleurs que contrôler ma curiosité doit rester dans le champ de mes capacités, sous peine de prendre un coup de pied au derrière comme la vache qui des fois ferait mieux de rester dans son champ à regarder passer les trains ! Lol !
Les nouvelles pensées de Pascal,
Cycle « Quelle épique époque ».