A la demande de la juge d’instruction qui s’occupe de l’enquête concernant la mort de Rémi Fraisse, j’ai été auditionné pendant deux heures le mardi 09 décembre à La Roche sur Yon (Vendée) par le gendarme Moutard.J’avais laissé mes coordonnées car j’étais présent les 25 et 26 octobre à Sivens et la nuit du drame, j’ai filmé les événements jusqu’à 1h30 (à voir en cliquant sur ce lien). Un quart d’heure plus tard, Rémi tombait pour ne plus se relever.
J’ai témoigné avec sincérité mais sans illusion. Mon interlocuteur était présent cette nuit là, ce qui a facilité l’échange chacun ayant une vision des faits opposée et complémentaire. Son attitude était plutôt objective, centrée sur la reconstitution des événements et leur chronologie. Il y a quand même eu quelques digressions quand le gendarme pointait sous l’enquêteur.Lorsque je lui fait observer qu’il n’y avait sur le site plus rien à protéger puisque les engins de chantier avaient été évacués (sauf curieusement un générateur laissé en guise de chèvre) et que sans présence policière visible, il n’y aurait pas eu d’incidents, il s’offusque par cette phrase : « on ne peut quand même pas abandonner le terrain,force doit rester à la loi ». Je n’ai pas pris la peine de philosopher sur le thème car des lois, il y en a beaucoup et encore plus d’interprétations. Il y a la loi de la cour d’école (là ça y ressemble), la loi de la nature, celle qui traduit l’évolution des mœurs, celle qui est l’expression du rapport de force entre la bourgeoisie et le prolétariat,la loi du talion, la loi divine ou encore la loi du plus fort (là ça y ressemble aussi mais tout n’est qu’apparence),…dura lex, sed lex. En aparté, j’ai plaidé pour une police au dessus de tout soupçon et de tout intérêt particulier ou d’état, pour une police conciliatrice avant d’être répressive et pour un droit du fonctionnaire au retrait de l’action pour opinion politique, religieuse ou philosophique. Autant dire une utopie ! Et pourtant son efficacité n’en serait peut être pas moindre.
« C’est à force de réprimer des manifestations pacifiques qu’on obtient des manifestations violentes« .
J’ai fait remarquer l’attitude brutale et sexiste des » forces de l’ordre » durant les mois précédents ce qui a contribué à la cristalliser la tension. Le gendarme Moutard a tendance à éluder ces faits, à les minorer ou les justifier. Il a quand même noté les tirs tendus et les lacrymos sur un groupe qui portait assistance à une personne blessée.C’est une attitude peu chevaleresque;on ne tire pas sur l’ambulance.
Il y a une question à laquelle je n’ai pas répondu car elle me semble hors sujet, ambigüe et mal formulée : « Que pensez vous de la médiatisation après la mort de Rémi Fraisse ? » Je lui avais déjà expliqué qu’à Sivens comme à la manif du 22 février à Nantes (à voir en cliquant sur ce lien) les autorités s’arrangent pour interdire des accès et créer des face à face générateurs d’incidents dont les médias exploitent des images qui discréditent la manifestation et la lutte. (Nantes le 22 février, c’était avant tout une immense manifestation anti aéroport, populaire et festive).
Cette manipulation trouve sa limite lorsqu’il y a un mort. L’état commence par nier son implication puis la rejette sur autrui, sur les mauvais, sur l’étranger (pas de chance à Sivens, Rémi était un gentil gars du pays) arrive enfin arrive l’évidence de l’état meurtrier. Alors, sur le prix du sang, on retire le projet contesté ( loi Devaquet par ex) mais malgré tout, au final la police n’a fait que son devoir. J’ai l’impression que cette question est posée pour essayer de comprendre l’explosion générale qui a suivi. Il suffit de se pencher sur l’histoire pour voir que ça se passe souvent comme ça dans ces cas là. (Souvenons nous de Puig Antich garroté sous Franco,Pierre Overney assassiné par la milice patronale, Zied et Bouna les deux ados électrocutés, la liste s’ allonge…) Cette question est hors sujet, elle évoque des conséquences et non des faits.
J’ai aussi perçu de l’ humanité chez le gendarme Moutard car généralement lorsqu’il s ‘exprime sur l’affaire, il ne dit pas monsieur Fraisse ni Rémi Fraisse,il dit simplement Rémi.
J’ai aussi échangé quelques propos avec son collègue. Malgré sa tenue civile décontractée, on imagine bien le brassard police sur le bras Il laisse plus transpirer ses opinions et pose trop de questions personnelles. Accordons lui un certain humour : « Je suis contre la construction du grand stade de Lyon (ZAD de Décines) car je suis supporter de St Étienne ». Ah, ah !
REMI, DANS LE CŒUR DE TOUS.
Pierre